Cette nuit il a plu sur Toulouse. Et moi, j'ai écouté les pleurs déchirant ce ciel étoilé, j'ai écouté cette nuit qui résonnait alors en moi comme un cri désespéré. La pluie venait tambouriner sur le toit au-dessus de ma tête, pour mourir sur la toiture déglinguée en un bruit sourd et violent, d'une désarmante régularité. Comme les derniers coups que l'on assène avant le trépas, que l'on reçoit sans résistance aucune. Mon appartement m'est alors apparu tel un champ de bataille, ravagé et déserté, à l'image de ma vie.
C'était une nuit de petite mort. Je n'ai pas dormi. Il est des soirs d'angoisse comme celui-ci, des soirs où les souvenirs vous hantent et vous font la guerre, des soirs où la solitude vous étreint et vous lacère pour, au petit matin, vous abandonner là, tel un naufragé aux histoires d'amour éternellement avortées. Il est des soirs comme cela où l'on porte la solitude comme un linceul, où l'on se demande comment faire pour que vieillir ne soit pas souffrir.
La pluie a cessé. Je m'accoude à la fenêtre. Il y a un piano qui joue quelque part. J'ignore où, ce n'est pas situable. Le joueur hésite et se trompe, recommence. Inlassablement. Et les notes s'élèvent dans la nuit, comme un espoir dans le jour qui vient. Et j'oublie tout du monde.
Je contemple la fenêtre d'en face. Elle est éclairée. Un couple s'étreint langoureusement. Leurs mouvements à la fois lents et violents me semblent être ceux d'une lutte, combat charnel et passionné, un instant d'éternité. J'aimerais tant, à mon tour, poser mes mains, mes yeux sur toi. Que nos peaux se frôlent, que nos respirations se mêlent. Je voudrais m'abandonner dans tes bras. Toi, ultime rencontre, exact début et fin de tout. M'abandonner dans tes bras et que rien au monde n'atteigne cela. Mêler ma voix à la tienne en une rhapsodie de murmures essoufflés. Rendre éternelle cette étreinte de stupre et d'épices. T'aimer.
Je ne suis pas allée travailler ce matin. J'ai voulu faire quelque chose d'autre. J'ai erré dans mon quartier, scrutant les visages. Je ne t'ai pas vu. Je me suis demandé pourquoi vivre ici alors que tu n'y es pas puis j'ai voulu disparaître, m'enfouir sous terre, être absente. Alors je suis allée me cacher au fond du Jardin Japonais. Assise là j'ai regardé les gens aller et venir sans véritablement les voir. En réalité je voulais fuir cette ville, fuir ton absence. Je voulais m'oublier. Voilà, je suis celle qui attend, qui t'attend, t'attend et te guette, t'espère et t'hallucine.
J'étais donc là, quelque part, assise et immobile. J'ai pensé à toutes ces larmes que je n'ai jamais pu sécher et je me suis sentie si profondément seule. Alors j'aurais voulu courir, j'aurais voulu hurler et sentir les regards sur moi. J'aurais voulu me sentir appartenir au monde, quelque chose comme cela. Jeter ma détresse au vent et l'imposer à tous. Oui, j'aurais voulu par la force de ma solitude quitter cet état de fait et quitter le monde des oubliés d'eux-mêmes, rejoindre celui des vivants.
Et puis je me suis levée, j'ai traversé le parc, et j'ai repris le chemin de la fac...
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